LA PREMIÈRE IMPRESSION : UN RESSENTI PLUS COMPLEXE QU’ON POURRAIT LE CROIRE
Le concept de la première impression occupe tant les consultants RH, les psychologues, les psychosociologues que les stylistes
L’idée que nous nous faisons d’une personne lors d’un premier contact puise son inspiration dans un mélange de représentations sensorielles. La première impression émane de l’apparence physique, de la communication non verbale, du comportement et de la gestuelle appliquée.
Comme le disait Coco Chanel : « vous n’aurez pas deux fois l’occasion de faire une première bonne impression ». Qu’en est-il en matière de recrutement ?
Avant d’explorer ce point de vue, quelques références ne semblent pas inutiles. Par exemple, pour Hélène Garner-Moyer, la beauté est source de stéréotype positif dans nos sociétés occidentales. Dès l’instant où une personne se voit attribuer le stéréotype de « beau », non seulement cette personne devient « belle et bonne » mais encore elle accède à un statut social particulier comprenant un bonus de qualités sociales contrairement à l’individu lambda, ainsi que de qualités relationnelles et intellectuelles. C’est ce que les psychosociologues appellent la personnalité implicite.
Au niveau de la décision d’embauche, le stéréotype sexuel viendrait complexifier le paysage de la beauté puisque « pour un poste élevé, la beauté favorise les hommes et défavorise les femmes ». Généralement la première impression se forme au cours des toutes premières minutes d’entretien, grâce aux précieuses informations que nous donnent la démarche, le regard, l’habillement et le ton de la voix.
André Guittet, consultant et formateur, est un spécialiste de l’entretien depuis bien des années. Il souligne combien le poids du non verbal est primordial dans un premier contact. « Sans avoir prononcé une parole, nous envoyons des informations essentielles sur nous-mêmes ». Non seulement le comportement de l’autre nous conditionne émotionnellement, mais encore il oriente la manière dont va avoir lieu l’échange. Les indices qui émanent du comportement de l’un réveillent certaines images stéréotypées en l’autre, celles-ci agissant comme des raccourcis cognitifs par gain de temps. Dans ce premier examen, une contradiction entre ce que nous entendons verbalement et ce que nous décryptons non verbalement n’est pas à exclure. L’image que veut donner le candidat est alors en dissonance avec ce qu’il renvoie de lui-même. La séduction devient manipulation plutôt qu’influence ou n’est simplement pas à la hauteur de l’enjeu. Ainsi nous aurons tendance à nous appuyer sur le non verbal pour savoir ce qu’il en est. Pour cette raison, ce qui importe notamment lors d’un premier contact, c’est de rester conscient de son ressenti et de faire en sorte d’établir une relation ouverte en écho à son propre comportement qui se veut lui-même confiant. Le sort du candidat est déjà presque scellé sans que malheureusement celui-ci en ait conscience. En professionnel de la chasse de tête, je déplace d’emblée la perspective du côté client, partant du principe que je connais bien les valeurs, les préférences, les objections éventuelles de celui-ci, ainsi que sa manière d’être et d’apparaître à ses différents publics. Je privilégie plutôt la confirmation ou l’infirmation d’un « matching » bien plus qu’un jugement de valeur par rapport à mes propres critères, références ou desiderata. Qui plus est, je dois m’astreindre à mettre ceux-ci de côté, du moins temporairement.
Je ne suis pas en train de dire que toutes les personnes à la poignée de main molle et au regard fuyant n’ont aucune chance ni que les personnes à la poignée de fer et au regard appuyé sont forcément assurées de faire une meilleure impression. La décision est plus subtile et intervient aussi en partie en amont du premier entretien. Il y a déjà l’examen des documents au service du marketing de soi : l’apparence émane non seulement d’une photo mais également du CV, du résumé de sa présentation et des orientations qu’il souhaite donner à sa candidature, d’une lettre de motivation et de l’agencement des informations concernant le candidat sur les réseaux sociaux. Cette première impression là signifie la volonté d’une présence au monde des affaires de par une conscience de soi, source de recul par rapport à sa personne, et de par le souci d’apparaître comme un acteur qui fait partie de son environnement.
Avant de décrocher l’entretien, il y a aussi la manière de correspondre qui dénotera ou non d’un savoir-être et du savoir-vivre, considérant chaque maillon de la chaîne avec respect et courtoisie. Il y a aussi la manière de montrer son accord ou désaccord, étant entendu que l’accord à tout prix peut s’avérer inquiétant.
Et dans l’hypothèse d’un premier entretien, avant la poignée de main, il y a la démarche, la façon dont la personne va enlever son manteau, quelle sera sa posture assise, l’intention qu’elle montre dès qu’il s’agira de patienter, la manière de le dire qui reflète un agacement ou alors une patience à toute épreuve, dans les deux cas avec ou sans énergie.
Toutes ces images ont été emmagasinées par le chasseur de tête durant l’entier du processus de recrutement au travers de différents canaux (par email, par téléphone et enfin de visu). En confrontant mentalement les images du candidat avec celles du client, il saurait si ou non, il sera envisageable de le présenter. L’examen des aspects cognitifs et autres aptitudes ne sont pas pour autant négligés mais ils en deviennent juste presque secondaires au moment de la décision.
A cela, s’ajoute que le succès est aussi dans l’articulation de l’argumentaire de motivation. L’envie de décrocher le « job » déclenche un enthousiasme si fort qu’il porte les mots et qu’il est force de conviction. Des histoires de vie professionnelles, j’en ai entendues un grand nombre et, tandis que j’écoute ces récits ma préoccupation est de comprendre l’articulation de cette histoire. Le candidat va-t-il pouvoir réussir à capter mon attention au point que j’en oublie d’examiner son non verbal ? Va-t-il m’immerger dans son histoire tout comme le narrateur d’un roman passionnant ? Le candidat doit être légitime et son récit professionnel à la fois crédible et sincère.
En conclusion, je dirais qu’à chaque étape du recrutement, il y a plusieurs premières impressions, l’objectif à se fixer reste de donner de soi la meilleure possible.